ELOGE DE LA FUITE

C'est une fuite pleine de courage à vos yeux,
Mais si c'était une fuite misérable ?
Déguisée en folie pour les uns, 
En sagesse pour les autres,

Une beauté, 
Un acte désintéressé, 
Une porte de secours dérobée,
Une effronterie digne d'un enfant gâté,

J'étouffe, je me suis noyée dans un verre d'alcool,
Les effluves de Paris m'enivrent,
Je suis restée sur le carreau,
Les yeux fermés, le corps froid, l'esprit ankylosé.

Alors je pars.
Je pars chercher cette trêve, 
Ce sens que je crois naïvement dénué d'artifice,
Ce sens qui nous habite et que l'on tait à coups d'à cotés.

Je me dis que là-bas aura un goût de paradis,
Parce que je l'aurais décidé,
Je me dis que là-bas n'a pas besoin de moi et ne m'attend pas,
Je ne te devrais rien et tu seras mon tout. 

EN ATTENDANT, JE T'ATTENDS.

Je suis là et je t'attends.
Je t'attends en marchant, je t'attends en silence.
Je suis là et je vois les autres passés. Pressés.

La musique s'essouffle, mon coeur prend peur.
J'attend. J'attend ce second souffle,
Pour continuer ce couplet qui nous manque.

En t'attendant, je crierai mon amour,
Je crierai à leurs faces d'étonnés, des mots inventés,
Juste pour ne pas oublier l'air de nos baisers.

Ta musique d'attente se transforme en douleur lancinante,
On ne devrait jamais s'habituer aux musiques d'attente mon amour,
J'attend depuis trop longtemps...

J'ai essayé, pour tuer le temps, de fredonner un air de rien,
Ce salop m'a renvoyé en retour, tout l'écho de mon amour.
Le temps nous tue mon amour.

A TON IMAGE

A ton image,
A celle clinquante sous les réverbères,
A celle qui meurt dans la nuit noire,

A notre amour,
A celle que tu embrasses sans espoir,
A celui que tu tues la nuit venue,

A ton malheur,
A celui que tu astiques pour qu'il brille,
A celui qui t'emporte ivre mort,

A cette vaste comédie qui m'ennuie,
Je lève mon verre qui reste vide,
A quoi bon boire tes vains sentiments,

Depuis les coulisses je vois l'envers du décor,
C'est une scène bien trop petite pour t'aimer,
C'est une image bien trop triste à regarder...

A6

On ne revient pas en arrière.
On ne peut pas.
Vous avez déjà vu une voiture faire marche arrière sur l'autoroute ?
Non ? Donc on ne peut pas.

"Et même si on prend la prochaine sortie pour revivre ce moment de notre vie ?
Parce que c'était hyper joli quand même."

On a dit non !
On a pas le temps et puis à quoi bon tourner en rond ?
On ne va pas aimer une seconde fois parce qu'on a aimé une première fois.
Il faut y aller, rouler, foncer !

"On va où ?"

On rentre, on part, on s'égard, on s'en fou !
On finira bien par trouver de tout façon.
Si on est près de la mer, on ira voir les vagues se jetter à nos pieds.

"Et si cela mène nulle part ?"

Nulle part c'est déjà quelque part.

LES ANGES DE NOËL

Je me souviens, le matin de noël, devoir attendre que ma mère retrouve "cette foutue cassette" pour commencer à ouvrir les cadeaux. Nous étions là, gamins, mon frère et moi, rêveurs, debouts, face à l'imposant sapin vert, rouge et doré, à attendre que la musique retentisse pour pouvoir ouvrir nos cadeaux.

"Quand la minuit sonnait"

Quand les chœurs des enfants commençaient à raisonner dans la maison, des frissons me parcouraient. Et même si comme mon père, je trouvais stupide de devoir attendre qu'une musique me dicte ma conduite en mettant le tout sur le compte fantasque de ma mère, je dois bien reconnaitre que la scène n'en devenait que plus belle, plus spirituelle.

"La Virgen Lava Pales"

C'est comme si tout prenait un sens, ces cadeaux n'étaient plus tellement important. J'éprouvais même après avoir été émerveillée par l'apparat de la scène, une espèce de gêne. J'étais si petite, si minable, face à ces voix innocentes et pures qui chantaient ensemble pour rien, juste par amour, transportées par la foi.

"Le message des anges"

Mon père criait à ma mère de baisser, que ça lui cassait la tête, refusant ainsi de se laisser submerger par l'émotion. Ma mère faisait semblant de ne pas entendre car de toute évidence elle avait mis le volume à sa convenance. Moi je me demandais si elle ne faisait pas exprès. Cette musique, ces voix angéliques, c'était pour nous empêcher de gueuler si les cadeaux ne nous plaisaient pas c'est ça ? Comment gueuler quand des anges chantent ?

"Les anges dans nos campagnes"

Depuis c'est moi qui mets le CD pour lancer le top départ. Alors que mon frère, ma mère, commencent à ouvrir leurs cadeaux et que mon père prend des photos clope à la bouche, je contemple la scène, émue par tant de beauté. Tant que "les petits chanteurs à la croix de bois chantent noël" dans la maison, je saurais que ma place est ici.

UNE BOUTEILLE A LA MER

Cher mer,

Il y a des enfances,
Qui n'ont de beauté,
Que les jouets,
Qui jonchent le parquet,

Il y a des chambres,
Qui renferment,
Un mal-être inadmissible,
Un bordel sans nom,

Il y a des adultes,
Qui retiennent leurs larmes,
Car ils ne comprennent pas,
Pourquoi, pour qui, ils pleureraient,

Il y a des amours,
Que l'on n'a pas eu,
Mais que l'on répète,
Car on ne sait pas faire autrement,

Cher mer,
Que les vagues déchaînées,
Viennent doucement s'échouer sur votre flan,
Pour irriguer ces terres asséchées.

LE TEMPS D'UN TRAJET

Comme Icare je me brûle les ailes à voler trop près du soleil,
J'ai construit mon exil, délesté mes bagages,
Je suis partie défaite de toutes illusions.

Je ne suis pas triste,
Dans la voiture qui nous conduit au bord de la falaise,
Je trouve le moment beau, l'instant me traverse.

Tu descends,
Ta silhouette se dessine entre les lumières des phares,
Et devant toi la mer se meurt en vagues amers.

Tu es cette dédale de logique, de suite et de sens,
Dans laquelle j'ai peur, je me heurte et je me perds,
Je ne trouve pas la vigueur pour courir, te survoler et te faire face,

Je n'éprouve que le désir de me rapprocher de cette vulgaire vérité,
De la contempler, de la contourner, de la constater, 
La désillusion est cruelle, l'amputement réel,

Tu remontes,
La route plongée dans la nuit noire apporte une trêve,
Et l'habitacle confine nos âmes, suspendues à l'intimité d'un silence si familier.

A MA PLACE

40m2

Vide,
Des traces seulement,
Une étagère,
Un vestige du passé,

J'ai adoré ces 40m2,
Ces putain de 40m2,
Que j'ai détesté,
Un soir d'été.

24m2

Beaucoup d'affaires,
De la pagaille dans tout les coins,
Un bordel inanimé,
Mais pas d'envie de ranger,

Je ne veux pas de ces 24m2,
Ces putain de 24m2,
Qui le soir venu,
M'accueillent sans retenu.

FUGUE DE NUIT

Le froid de cette nuit,
L'hostilité de l'automne,
Ma fatigue et mon ivresse,
Ne m'empêcheront pas.

Dans le taxi,
L'ange de la Bastille tourne autour de moi,
Le boulevard Barbès tient toutes ses promesses,
Je ne suis plus seule, perdue entre tous.

Paris je t'aime,
Pour toute cette vie que je n'ai pas,
Paris tu es mon hardiesse,
Tes artères me guident vers cet inconnu.

Le taxi s'arrête,
Face aux lumières du Clair de Lune,
C'est ici maintenant que tu me laisses,
Face à ce présent qui me fait sourire.

Paris je n'ai plus peur,
De partir et courir tes rues,
Paris je n'ai plus peur de me blesser,
Recueille moi seulement la nuit venue.

UNE SECONDE

Un mot, deux, trois
Un flot de mots,
Le couperet,

Une seconde éternelle,
Une brève agonie,
Le glas,

Un son de paume,
Une joue rougit,
Ma première baffe.